Simon Verschaeve, de l’université de Gand, a traité des aspects juridiques du sharenting dans son mémoire de master. Simon: “D’un point de vue juridique, dans le sharenting, certains droits peuvent être contradictoires. Si nous considérons les droits fondamentaux, les parents ont le droit à la liberté d’expression, le droit à une vie de famille et le droit à une vie privée. Le partage de photos de leurs enfants tombe sous ces droits fondamentaux. Mais d’autre part, les enfants ont eux aussi droit à une vie privée, et en principe, on ne peut pas publier leur image sans leur autorisation. Quand les enfants sont petits – c’est-à-dire jusque douze à quatorze ans, selon la jurisprudence – ils ne sont pas en mesure de donner cette autorisation eux-mêmes et la capacité juridique revient aux parents. Mais dans le cas du sharenting, les parents se donnent donc à eux-mêmes la permission de publier une photo de leur enfant. C’est ce que j’appelle le ‘paradoxe du sharenting’: le rôle de gardien des parents est réduit à néant.”
Passé l’âge de 12 ans, les enfants peuvent en principe décider de ce qu’ils mettent en ligne, tant qu’ils respectent la vie privée des autres. Mais ce à quoi de nombreux jeunes (et de nombreux adultes) ne pensent pas, est que le partage de photos sur lesquelles apparaissent d’autres personnes, tombe sous le droit à l’image. Et cela comporte dans de nombreux cas l’obligation d’obtenir une autorisation avant de mettre une photo en ligne. Si quelqu’un se reconnaît sur une photo ou dans une vidéo sur un réseau social, elle a le droit de demander de supprimer ces images (ou pire encore, de porter plainte) si elle n’avait pas donné son autorisation.
Peut-on imaginer d’en arriver à un procès au tribunal entre des ados et leurs parents parce que ceux-ci ont publié des photos d’eux sans autorisation? Simon: “On préfèrera toujours la médiation dans un premier temps, un procès est vraiment le tout dernier recours. Mais quand les parents divorcent, le sharenting mène parfois à des conflits qui se terminent au tribunal. La loi dit en effet que les deux parents doivent être d’accord en cas de partage de photos. Si un parent est en désaccord avec ce que publie l’autre, le juge peut lui donner raison, puisqu’ils sont deux à avoir l’autorité parentale et donc à devoir donner une autorisation.”