« Une entreprise à 100 millions de dollars… Voilà notre objectif à 5 ans », plaisante Heidi Rakels. En tant que judoka, elle a obtenu une médaille de bronze aux Jeux olympiques de Barcelone. En tant que chef d’entreprise, elle a décroché, avec sa société GuardSquare, le prix de l’entreprise IT à la plus forte croissance du pays. Et elle envisage de faire encore mieux cette année !
En 2014, Heidi Rakels et son partenaire Eric Lafortune étaient encore seuls face à leur ordinateur. Ils ont aujourd’hui 45 collaborateurs, un bureau tendance à Louvain et des clients aux quatre coins du monde. « Nous sécurisons les apps », explique Heidi. « Les développeurs d’applications Android et iOS achètent un logiciel chez nous pour protéger leurs apps du piratage. »
Fin 2019, GuardSquare entend compter 70 collaborateurs et facturer 13 millions d’euros, soit près de deux fois plus qu’en 2018. « Nous venons tout juste de dessiner une nouvelle courbe de croissance », poursuit Heidi. « La précédente grimpait jusqu’à 7 millions d’euros. Nous les avons atteints. La courbe s’envole et culmine désormais à 100 millions de dollars en 2023. » Et Heidi ajoute en riant : « Une entreprise à 100 millions de dollars, ça en jette quand même plus qu’une entreprise à 88 millions d’euros, non ? »
Un joyeux réalisme : voilà qui caractérise bien ce couple d’entrepreneurs. Ils sont fiers de leur Deloitte’s 2018 Technology Fast 50 - Award, un titre qui récompense l’entreprise technologique à la plus forte croissance de Belgique. « Je suis surtout ravie que nous soyons parvenus à enregistrer une croissance de 4 713,63 % en trois ans, tout en restant une entreprise agréable. »
GuardSquare emploie des collaborateurs de tous horizons, pour un total de plus de 15 nationalités différentes. Cette politique commerciale est parfaitement réfléchie. « Une entreprise IT doit se lancer d’emblée à l’international. Mais dans la mesure où l’ouverture de bureaux à l’étranger coûte cher, nous avons engagé différentes nationalités au sein de notre siège de Louvain : une Chinoise, un Sud-Coréen, un Brésilien… Ils connaissent la culture de leur pays et se chargent de vendre sur ces marchés. Nous utilisons l’anglais pour que personne ne se sente exclu. »
Les starters ont souvent du mal à convaincre le marché. Pour Heidi, ça n’a posé aucun problème. Le logiciel open source qu’Eric a mis en ligne a rapidement été téléchargé par des entreprises du monde entier. Son application, qui réduit la taille et accélère la vitesse des autres apps, a gagné en popularité sans qu’il doive dépenser un euro en marketing.
« Les entreprises ont aussi commencé à l’utiliser pour sécuriser leurs applications. On a alors eu des demandes dans ce sens. » Eric et Heidi ont poursuivi le développement sur la base des demandes du marché. « Cette connaissance du marché est indispensable à un starter. Je ne crois pas aux idées qu’on lance sans avoir le client en tête. Pour réussir, il faut répondre aux besoins du marché. »
« Vos problèmes actuels ont certainement déjà été résolus par d’autres. Il ne faut pas réinventer la roue. »
Et pour réussir, Eric et Heidi ont réussi. « Nous voulions rester à deux, car nous n’aimons pas prendre de risque et nous gagnions assez. Mais en même temps, il fallait faire une croix sur les vacances et il était exclu de tomber malade. Notre prix était par ailleurs trop bas. Résultat : nous étions en train de détruire notre propre marché. » L’activité du couple affichait, en outre, une croissance trop forte. Engager du personnel, fonder une entreprise, travailler avec une équipe commerciale, embaucher des développeurs supplémentaires… Impossible de tout gérer seuls.
« Ce n’est que lorsque nous avons rencontré l’entrepreneur chevronné Jurgen Ingels que nous avons pu opter pour la piste de la croissance. Une période relativement chaotique… Dans une grande entreprise, il y a toujours quelque chose qui ne va pas : des collaborateurs malades, un contrat qui vous passe sous le nez… Au début, je m’énervais. J’ai toutefois vite appris que tout ne se passe pas toujours comme on veut dans une entreprise. Les obstacles font partie du jeu. Mais alors que je les voyais auparavant comme des revers, j’ai compris que chercher à les surmonter le plus efficacement possible était une réelle opportunité. »
Heidi a fini par devenir une dirigeante d’entreprise. Fin février elle a même remporté le titre d’ICT Woman of the Year 2019. « Je n’y connaissais rien, au début. J’avais été judoka professionnelle et je me débrouillais très bien en programmation, mais je n’étais pas une femme d’affaires. J’ai donc posé beaucoup de questions. J’ai écouté, j’ai appris et je me suis fait ma propre opinion. »
Elle conseille donc à tout starter de bien écouter. « Les starters sont souvent trop présomptueux. Ils ont leur idée, ils veulent agir comme ils l’entendent. Et ils n’ont que faire des bons conseils. Mais tous les entrepreneurs commettent les mêmes erreurs. Ils font face aux mêmes problèmes au même moment. Vos problèmes actuels ont certainement déjà été résolus par d’autres. Il ne faut pas réinventer la roue. »
Le modèle de revenus est une solution que GuardSquare a empruntée à d’autres. « Grâce au modèle de revenus récurrents, j’étais certaine, en début d’année, de pouvoir compter sur 7 millions d’euros de revenus. Nos clients devaient auparavant renouveler eux-mêmes leur licence, ce que bon nombre d’entre eux ne faisaient pas chaque année. Nous ne gagnions donc rien. »
« Jurgen Ingels a d’emblée introduit le modèle de Netflix, Spotify et d’autres applications dans notre secteur. Chaque client paie désormais son abonnement chaque année. Ce modèle est essentiel pour nous. La certitude de disposer de liquidités apporte sérénité et sécurité financière. Je sais exactement combien je peux dépenser et combien de collaborateurs je peux rémunérer. »
L’objectif des 100 millions de dollars n’a pas été fixé au hasard. Heidi en parle chaque année. Cet objectif est suffisamment ambitieux pour paraître fantastique sans être irréalisable. « Un tel objectif nous pousse à nous renouveler, à réfléchir sans cesse aux moyens de nous améliorer et aux produits à ajouter à notre offre de base. Les objectifs doivent cependant être réalisables pour les collaborateurs. Après tout, ce sont eux qui concluent les contrats, qui vendent, qui exécutent nos décisions et qui s’investissent au quotidien. »
Il ne s’agit pas pour autant d’un jeu d’enfant pour Eric et Heidi. « Il est évident que l’entrepreneuriat me pèse souvent. J’ai le sens des responsabilités et je suis perfectionniste. Je ne me repose jamais sur mes acquis. C’est dans ma nature et c’est ce qui fait ma force. Ces traits de caractère m’ont permis de décrocher pas mal de titres en judo par le passé. J’essaie maintenant de les exploiter pour bâtir une bonne entreprise. »
La chose la plus intelligente qu’Heidi fasse ? S’entourer des meilleurs dans leur domaine, par exemple le manager expérimenté qui, depuis peu, met en place une structure ordonnée et veille à son maintien. Fini le chaos ! « Je laisse mes collaborateurs faire les choses à leur manière. »
3 conseils que je donnerais à la starter que j’ai été
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