Isabel De Clercq partage ses critères de réussite

26 décembre 2022 - 7 min

Le travail hybride est une évidence pour Isabel De Clercq. Elle qui n’était jadis qu’une originale, adepte avant l’heure du télétravail, est aujourd’hui consultante pour des entreprises et des managers qui cherchent la clé de la combinaison idéale entre travail à domicile et au bureau. Quelle est sa recette du succès pour le travail hybride ?

« L’avenir du travail ne dépend pas de l’endroit où nous travaillons, mais plutôt de la manière dont nous créons de la valeur en équipe et individuellement et dont nous collaborons de manière optimale. À cet égard, davantage d’auto-leadership, de discipline et un mix équilibré de collaboration synchrone et asynchrone sont essentiels. » 

 

Telle est la vision dont s’inspire Isabel De Clercq, fondatrice de Connect Share Lead, pour accompagner les entreprises vers une nouvelle manière d’implémenter le travail hybride.

Comment pouvons-nous vous présenter, en tant qu’oratrice ?

Isabel De Clercq : « Je suis une créatrice de liens. Voilà la meilleure façon de me présenter. Je crée des liens entre différents mondes. J’ai été fonctionnaire et chercheuse à l’UGent avant d’être collaboratrice chez Wolter Kluwer Belgium. En 2018, je suis devenue indépendante et experte en organisation.

 

Par le biais de mes ateliers, de conférences et du podcast Hybride - een duurzame kijk op werk, je crée un lien entre les personnes et leur travail, leur équipe et leur organisation. J’aime également joindre l’utile à l’agréable : j’associe volontiers le bien-être au travail à une réflexion poussée sur la productivité et l’efficacité. J’utilise, à cet effet, le langage et le récit, avec parfois un brin de poésie. J’ai une fois été surnommée la reine du storytelling. »

Mon patron m’a incitée à chercher la valeur ajoutée que je pouvais apporter à l’organisation. Cette question est la plus intéressante que l’on m’ait posée à ce jour. Elle est au cœur du travail hybride.

Isabel De Clercq

Fondatrice de Connect Share Lead

Qu’entendez-vous par « travail hybride » ?

Isabel De Clercq : « À mes yeux, le travail hybride, c’est bien plus que combiner le travail à domicile et au bureau. En supprimant les structures rigides qui vont de pair avec le travail au bureau à plein temps, on crée plus d’espace pour l’auto-leadership et la prise de décisions en pleine conscience. Le travail hybride nous invite à remettre en question nos anciennes méthodes de travail : que faisons-nous ? Quand le faisons-nous ? Comment exactement ? Et plus intéressant encore : pourquoi ? »

Comment avez-vous commencé à vous intéresser à cette nouvelle façon de travailler ?

Isabel De Clercq : « Différents événements dans ma vie professionnelle ont, selon moi, suscité cet intérêt. Lors de mon premier emploi à l’UGent, j’ai voulu contacter un professeur néerlandais pour en apprendre davantage sur l’e-learning. Je n’ai pas pu le faire, car mon téléphone ne me permettait pas de passer des appels à l’étranger. Je n’avais pas le poste adéquat dans l’organigramme. En d’autres termes, ma position au sein de la structure organisationnelle déterminait mes possibilités d’évolution. Chez mon employeur suivant aussi, je dépendais de quelqu’un pour pouvoir suivre des formations.

 

C’est aux alentours de 2012 que j’ai découvert les vertus émancipatrices des réseaux sociaux. Twitter et LinkedIn me permettaient d’entrer en contact avec toutes les personnes que je désirais. Le monde entier était soudain à portée de main : des personnes intéressantes, des connaissances et des points de vue venus des quatre coins du monde. J’ai saisi ces opportunités, exactement comme ma grand-mère m’avait appris à prendre mon destin en mains et à me constituer un réseau.

 

En 2012 aussi, mon employeur de l’époque m’a donné la possibilité de travailler à domicile. Je restais dès lors tellement collée à mon ordinateur, qu’un jour mon patron m’a demandé : “Tu réponds toujours à mes e-mails dans la seconde. Tu n’as rien de mieux à faire ?” Il m’a incitée à chercher la valeur ajoutée que je pouvais apporter à l’organisation. Cette question est la plus intéressante que l’on m’ait posée à ce jour. Elle est au cœur du travail hybride. »

En quoi le travail hybride pose-t-il aujourd’hui un problème ?

Isabel De Clercq : « Je dois bien admettre que le travail hybride a aussi parfois un côté sombre. Une étude menée par Microsoft entre mars 2020 et juillet 2022 révèle que nos journées de travail se sont allongées de 13 % et que la communication s’est accélérée de 32 %. Ces deux chiffres m’inquiètent. À mes yeux, ils vont à l’encontre d’un travail efficace et d’habitudes de travail durables.

 

Une étude récente menée par Nick Bloom de l’Université de Stanford a mis en évidence des lignes de tension entre les managers et leurs collaborateurs : les collaborateurs estiment gagner en productivité lorsqu’ils sont autorisés à télétravailler, mais les managers en doutent.

 

J’ai, en outre, remarqué que l’idée d’un travail plus flexible n’est pas naturelle pour bon nombre de chefs d’entreprise. Le COVID-19 les a obligés à l’autoriser. Mais ils l’ont fait à contrecœur, sans prendre cette décision de manière positive. »

L’avenir du travail ne dépend pas de l’endroit où nous travaillons, mais plutôt de la manière dont nous créons de la valeur en équipe et individuellement et dont nous collaborons de manière optimale. À cet égard, davantage d’auto-leadership, de discipline et un mix équilibré de collaboration synchrone et asynchrone sont essentiels.

Isabel De Clercq

Fondatrice de Connect Share Lead

Toutes les organisations doivent-elles adopter le travail hybride ?

Isabel De Clercq : « Non. Il est cependant grand temps pour les organisations de jouer cartes sur table. Les collaborateurs ont le droit de connaître les choix de leur employeur et leur pourquoi. »

Comment faire du travail hybride un succès ?

Isabel De Clercq : « Le travail hybride, c’est bien plus que fixer le nombre de jours de télétravail autorisés. Il est plutôt question de créer un contexte qui encourage la création optimale de valeur pour les clients. Je recommande aux équipes de répondre au moins à ces cinq questions et de s’en inspirer pour prendre des engagements mutuels :

  1. Comment créons-nous de la valeur ajoutée en tant qu’équipe ? Quelles tâches sont une charge ? 
  2. Quelle part pouvons-nous en faire de manière asynchrone afin de gagner du temps pour le travail individuel de connaissance ? 
  3. Quelles sont les tâches synchrones minimales ? Combien d’heures par jour sommes-nous prêts à y consacrer ensemble ? 
  4. Ce n’est qu’alors que se pose la question : où le faisons-nous ? En présentiel au bureau ou à distance ? 
  5. De combien de temps de concentration avons-nous besoin pour mener à bien nos tâches ? 

 

La question “Où travaillons-nous ?” est, selon moi, secondaire par rapport à celle de savoir ce que nous faisons de manière synchrone et asynchrone. Cette dernière question mène en effet à une disponibilité moins constante, à une productivité accrue et à plus de bien-être. 

 

The magic is in the mix! Et c’est ce mélange magique que nous recherchons tous. Que faisons-nous mieux seuls ou ensemble ? Que faisons-nous à distance ou en présentiel ? Dans quelles circonstances le télétravail est-il la meilleure solution et quand est-il préférable de venir au bureau ? La combinaison idéale varie d’une entreprise à l’autre et change également en fonction des équipes et des périodes de l’année. J’ai récemment discuté avec un CFO. Il n’était pas prêt à faire obligatoirement travailler son équipe pendant trois jours au bureau en janvier. “C’est la période de clôture comptable. Mes collaborateurs devraient pouvoir travailler depuis chez eux sans être dérangés.” »

Quel mix équilibré entre travail synchrone et asynchrone suggérez-vous ?

Isabel De Clercq : « Vous devez réfléchir à ce que vous faites ensemble et aux activités qu’il est préférable d’effectuer individuellement. À l’heure actuelle, nous observons une prédominance du travail synchrone, due à la glorification du travail d’équipe. Cela se traduit généralement par une abondance de réunions improvisées. On pense à tort que réunir les gens est toujours la clé d’un moment créateur de valeur, mais ce n’est pas le cas. Le travail intellectuel et la prise de décision demandent du temps. Les réunions improvisées sont certes sympathiques, mais s’avèrent souvent une perte de temps.

 

Je plaide donc résolument pour plus de communication asynchrone. Chacun contribue au préalable à l’ordre du jour, pose des questions et cherche les informations pertinentes. Chacun réfléchit individuellement afin que le moment passé ensemble soit efficace et axé sur les résultats. »

Comment les managers peuvent-ils contrôler leurs collaborateurs à distance ?

Isabel De Clercq : « Pour tirer le meilleur parti des travailleurs de la connaissance, nous ne devons pas nous baser sur leur nombre d’heures de travail, mais plutôt sur leurs résultats et leur rendement. Un manager n’est pas payé pour contrôler ses travailleurs de la connaissance. Il est payé pour aider son personnel à évoluer, définir clairement le cadre et fixer les objectifs. Les critères qui permettent aux collaborateurs de juger eux-mêmes la qualité de leur travail en font partie. Un manager n’est pas une baby-sitter bien payée. »

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